Prédication donnée par David Boydell à Massy le 10 avril 2016

Il y a deux semaines, nous avons fêté Pâques, et vous vous rappelez qu’à l’arrestation de Jésus, ses disciples avaient tellement peur qu’il l’ont tous abandonné. Seuls deux disciples l’ont suivi jusqu’à la maison du grand prêtre, et c’est là que Pierre a renié Jésus trois fois avant de partir se cacher à son tour, pris de remords mais incapable de faire autre chose. Et quand le Jésus ressuscité s’est présenté à eux pour la première fois, nous lisons (Jean 20.19) que « les portes de la maison où les disciples se trouvaient étaient fermées, car ils avaient peur des chefs juifs. »

Oui, après la mort de Jésus, tout semblaient être terminé pour eux. Leurs grands espoirs dans le Royaume de Dieu que Jésus prêchait, et qu’ils avaient mal compris, se limitait à leur propre temps et sans doute à leur propre peuple. Et après la mort de Jésus ces espoirs à court terme se trouvaient être infondés. C’étaient des hommes désorientés, perdus, découragés.

Mais après sa résurrection, Jésus  a passé 40 jours à les enseigner. Puis  ils ont reçu la puissance promise, celle du Saint-Esprit, le jour de la Pentecôte, selon la promesse de Jésus à son ascension (Actes 1.8) : « Vous recevrez une puissance lorsque le Saint-Esprit viendra sur vous, et vous serez mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée, dans la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre. » Et notre passage de ce matin fait partie du premier acte de ce drame : l’annonce de l’évangile d’abord à Jérusalem. Pierre et Jean ont guéri un homme au temple et ont prêché Jésus, et le résultat est qu’on les a convoqués devant le sanhédrin, et les chefs leur ont interdit de prêcher au nom de Jésus. Mais ils ont recommencé – et ils sont de nouveau accusés, cette fois avec les autres apôtres.

Nous faisons une première lecture : Actes 5.27-33

27 Après les avoir ramenés, (les gardes du Temple) les présentèrent au sanhédrin. Le grand-prêtre les interrogea
28 en disant: «Nous vous avions formellement interdit d’enseigner en ce nom-là, et voilà que vous avez rempli Jérusalem de votre enseignement et que vous voulez faire retomber sur nous le sang de cet homme!»
29 Pierre et les apôtres répondirent: «Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes.
30 Le Dieu de nos ancêtres a ressuscité Jésus, que vous avez tué en le clouant sur le bois.
31 Dieu l’a élevé à sa droite comme Prince et Sauveur pour donner à Israël la repentance et le pardon des péchés.
32 Nous sommes témoins de ces événements, de même que le Saint-Esprit que Dieu a donné à ceux qui lui obéissent.»
33 Furieux de ces paroles, ils voulaient les faire mourir.

Pierre et Jean comparaissent donc devant le sanhédrin pour la deuxième fois. La première fois nous lisons qu’ils étaient devant « les chefs du peuple … avec le grand-prêtre Anne, Caïphe, Jean, Alexandre et tous ceux qui étaient de la famille du grand-prêtre » (Actes 4.5-6). Et Pierre, rempli du Saint-Esprit, leur avait dit très clairement que c’était Jésus, « celui que vous avez crucifié et que Dieu a ressuscité » (4.10) qui avait guéri cet homme. Les chefs leur avaient interdit de prêcher au nom de Jésus. Mais Pierre et Jean, cette fois avec les autres apôtres, donc vraisemblablement les 12, sont de nouveau devant le sanhédrin au chapitre 5 pour avoir continué d’annoncer l’évangile. Et le scénario se répète. Et nous nous trouvons devant l’attitude de trois groupes d’hommes.

  1. Il y avait d’abord les membres du sanhédrin, la cour suprême des Juifs à l’époque, qui comportait 70 membres en plus du grand prêtre, donc 71 personnes. Même si la famille du grand prêtre et les sadducéens dominaient le sanhédrin, il faut noter que ce n’était pas seulement une cour religieuse, car ils jugeaient  tous les cas, religieux et civils, qui leur étaient soumis, et pouvaient proclamer la peine capitale, même si à l’époque ils se référaient aux Romains pour les cas les plus graves.

Le grand prêtre dont il est question ici est Caïphe, le même homme qui avait condamné Jésus à mort deux mois auparavant malgré le manque manifeste de preuves contre lui, et qui, jaloux et craintif pour sa position, avait décrété qu’un homme devait mourir pour le peuple (Jean 11.51). Son beau-père Anne, ancien chef prêtre qui exerce toujours une influence très forte, et qui avait lui aussi questionné Jésus avant sa mort, est aussi présent. C’étaient des gens sans scrupules et remplis de haine, qui voulaient se débarrasser des apôtres comme ils pensaient s’être débarrassés de Jésus, comme le v 33 le montre clairement. Leur mauvaise foi est évidente au v 28, quand ils accusent les apôtres de vouloir « faire retomber sur (eux) le sang de cet homme ». Vous remarquez qu’ils évitent soigneusement de prononcer le nom de Jésus, car c’est bien eux qui l’avaient condamné à une mort atroce ! Ils voulaient tellement garder le statut quo et leurs privilèges qu’ils étaient aveugles à la vérité et comme ils avaient justifié la mort de Jésus pour éviter des problèmes, ils continuent de nier la vérité et de justifier le meurtre de tout un groupe d’hommes pour arriver à leurs fins. Nous lisons (33) qu’ils étaient « Furieux » en entendant les apôtres … et qu’ils « voulaient les faire mourir ».

  1. Pierre et les autres apôtres qui apparaissent devant eux.

Selon un témoin de l’époque, Josèphe, l’historien juif, ceux qui comparaissaient devant le sanhédrin à l’époque avaient l’habitude d’afficher une attitude d’humilité. Voici ce qu’il dit :

Tout prévenu, qui que ce soit, qui apparaît devant le sanhédrin, se présente dans une attitude de soumission, comme quelqu’un qui a une grande crainte pour sa personne, et qui veut éveiller notre compassion, ses cheveux défaits, et en habits de deuil.(Antiquités, 14.9.4.)

Mais cette attitude est aux antipodes de celle des apôtres, dont Pierre est le porte-parole. Ils tiennent tête à leurs 71 accusateurs. Ils ne font rien pour « éveiller leur compassion », comme Josèphe le suggère, ou pour atténuer les charges qui sont amenées contre eux. Comme la dernière fois, ils tiennent fermes et retournent même l’accusation contre leurs accusateurs : « Le Dieu de nos ancêtres a ressuscité Jésus, que vous avez tué en le clouant sur le bois » (v 30). Et ils répètent qu’il faut obéir à Dieu plutôt que d’obéir aux hommes !

N’oublions pas que les apôtres sont devant les mêmes personnes qui avaient fait torturer et crucifier Jésus quelques semaines avant, ces mêmes personnes dont ils avaient tellement eu peur qu’ils avaient abandonné Jésus à son sort, et qu’ils s’étaient cachés pendant plusieurs jours.  C’est étonnant. Qu’est-ce qui a changé pendant ces quelques semaines ?

Une première réponse se trouve dans le récit de leur premier procès, où on note l’étonnement des autorités, qui ne comprenaient pas comment les apôtres, ces hommes qui avaient l’accent du nord et qui  n’avaient pas fait d’études poussées aient pu tenir un tel langage devant eux, avant de reconnaître qu’ils « avaient été avec Jésus ». (4.13) Oui, c’est le fait d’avoir passé du temps avec Jésus, pendant deux ans avant sa résurrection certes, mais aussi après la résurrection, comme l’historien Luc le dit (Actes 1.3) quand Jésus leur est apparu plusieurs fois, « en leur donnant plusieurs preuves : pendant 40 jours il se montra à eux et parla de ce qui concerne le royaume de Dieu. » Il avait corrigé leurs fausses idées sur le Royaume, et avec d’autres ils sont devenus les témoins de la vie, la mort et la résurrection de Jésus (v 32). Et le mot grec utilisé ici pour témoin, martus, a le double sens de témoin et de martyr. Oui, beaucoup des premiers témoins de Jésus ont donné leur vie  à cause de leur témoignage, et d’autres le font de nos jours.

Mais Pierre parle aussi du Saint-Esprit qui est témoin de ces événements, et c’est le Saint-Esprit en eux qui leur donne ce courage de parler. Nous savons que le Saint-Esprit est là pour convaincre les personnes de leur péché, qu’il équipe les chrétiens pour le service par ses dons et ses fruits qui croissent en nous, mais il est frappant de voir que presque chaque fois où dans les Actes des Apôtres nous lisons que quelqu’un était « rempli du Saint-Esprit », c’est pour un témoignage direct, souvent dans des circonstances dangereuses, que cette onction est donnée.

Et c’est exactement ce que Jésus avait promis :

« Quand on vous emmènera pour vous faire arrêter, ne vous inquiétez pas d’avance de ce que vous direz, mais dites ce qui vous sera donné au moment même. En effet, ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit saint. » (Marc 13.11).

et encore dans le verset que nous avons déjà cité :

« vous recevrez une puissance lorsque le Saint-Esprit viendra sur vous, et vous serez mes témoins … jusqu’aux extrémités de la terre. » (Actes 1.8).

Et sachons que si nous avons peur de témoigner, c’est aussi sa promesse pour nous. Au fur et à mesure que nous passons du temps avec Jésus, en lisant sa Parole dans une attitude de prière, et que nous acceptons d’être dirigés par son Saint-Esprit, nous aurons le courage d’être ses témoins. Avec tous les préparatifs pratiques pour  organiser une campagne d’évangélisation, qui sont bien nécessaires, voici une préparation spirituelle qu’il ne fait pas négliger !

Certains sont frappés par les paroles de Pierre au v 29 : « Il faut obéir à Dieu plutôt qu’aux hommes ». Et c’est vrai que souvent des chrétiens ont dû  s’opposer à la politique de leurs pays. Nous pouvons penser aux chrétiens qui se sont opposés à la pratique de l’esclavage au 18e et au 19e siècles, aux Allemands comme Dietrich Bonhoeffer qui ont eu le courage de s’opposer à Hitler, à ceux qui se sont opposés à l’apartheid en Afrique du Sud, au travail de Martin Luther King, et ainsi de suite. Et beaucoup de chrétiens anonymes dans le monde aujourd’hui doivent faire face à l’injustice dans le monde ou sont persécutés par des régimes hostiles. Mais la plupart des références dans le NT qui parlent des autorités nous appellent à coopérer avec l’autorité quand elle n’est pas en opposition à notre foi et à chercher le bien de ceux qui nous entourent. Si comme les apôtres il nous arrive de nous opposer à des lois de notre pays, il faut bien être sûr que nous le faisons par obéissance à Dieu, et non pas pour notre convenance personnelle !

  1. Et puis il y a un autre homme qui sort de la masse. C’est Gamaliel, pharisien qui était membre du sanhédrin. Notre deuxième lecture parle de son intervention Actes 5. 34-40a :

34 Mais un pharisien du nom de Gamaliel, professeur de la loi estimé de tout le peuple, se leva dans le sanhédrin et ordonna de faire sortir un instant les apôtres.
35 Puis il leur dit: «Israélites, faites attention à ce que vous allez faire vis-à-vis de ces hommes.
36 En effet, il y a quelque temps, Theudas est apparu; il prétendait être quelqu’un et environ 400 hommes se sont ralliés à lui. Il a été tué et tous ses partisans ont été mis en déroute, il n’en est rien resté.
37 Après lui est apparu Judas le Galiléen, à l’époque du recensement, et il a attiré du monde à sa suite. Lui aussi est mort et tous ses partisans ont été dispersés.
38 Maintenant, je vous le dis, ne vous occupez plus de ces hommes et laissez-les faire. Si cette entreprise ou cette activité vient des êtres humains, elle se détruira;
39 en revanche, si elle vient de Dieu, vous ne pourrez pas la détruire. Ne courez pas le risque de combattre contre Dieu!»
40 Ils se rangèrent à son avis.

Or, Gamaliel était un pharisien, « professeur de la loi estimé de tout le peuple » (34). A la différence des prêtres sadducéens donc il était plus ouvert à une prédication basée sur la possibilité d’une résurrection, et il était petit-fils du grand rabbin modéré Hillel. Mais il fallait beaucoup de courage pour s’opposer, presque tout seul, à la fureur de ses collègues. Et il conseille la modération. Notons que les paroles de Gamaliel sont dites à huis clos, en l’absence des accusés, mais au temps où Luc écrit, une bonne trentaine d’années plus tard, il peut révéler ce secret du sanhédrin, d’autant plus que Gamaliel était mort avant la rédaction de l’évangile. Mais comment Luc a-t-il su ce que Gamaliel avait dit ? Wikileaks était-il déjà au travail ?  Peut-être pas … car nous savons que d’autres membres du conseil avaient de la sympathie pour Jésus, et que certains étaient même des disciples secrets malgré leur position, comme Joseph d’Arimathée, « membre éminent du conseil » (Marc 15.43 ; Jean 19.38) et sans doute Nicodème (Jean 3.1, 19.39). Et puis nous savons aussi que Gamaliel était le maître d’un certain Saul de Tarse, qui à l’époque était loin de suivre la modération de son maître !

Gamaliel donne un conseil qui est à la fois courageux et sage, et l’histoire de l’Église dans les 2000 ans qui ont suivi lui a donné raison, comme Jésus avait promis, en disant que « les portes du séjour des morts ne l’emporteraient pas sur elle ». (Matthieu 16.18)  Et grâce à un seul homme raisonnable, que d’autres ont suivi, les chefs prêtres n’ont pas pu mettre leur plan à exécution.

Les paroles de Gamaliel donc sont une preuve que l’œuvre de Dieu allait continuer, et qu’elle va continuer encore, malgré tout ce que les hommes peuvent faire pour s’y opposer. Et nous pouvons louer Dieu pour des gens comme Gamaliel de nos jours, ces hommes et femmes, pas encore croyants, mais qui prennent position pour la justice et souvent aussi pour protéger le peuple du Seigneur. Nous pensons par exemple à Salah Farah, ce musulman kenyan parmi d’autres qui a refusé en décembre 2014 de se séparer des chrétiens dans son bus et qui est mort suite à une attaque terroriste qui visait les chrétiens.

Mais l’histoire du sanhédrin n’est pas tout à fait à sa fin : nous lisons les derniers versets du chapitre  (Actes 5. 40b-42) :

Ils appelèrent les apôtres, les firent fouetter, leur interdirent de parler au nom de Jésus et les relâchèrent.
41 Les apôtres quittèrent le sanhédrin, joyeux d’avoir été jugés dignes d’être maltraités pour le nom [de Jésus].
42 Et chaque jour, dans le temple et dans les maisons, ils ne cessaient pas d’enseigner et d’annoncer la bonne nouvelle de Jésus le Messie.

Si le sanhédrin se range à l’avis de Gamaliel, ceux qui prônaient la « ligne dure » ont quand même eu une victoire partielle. Les apôtres sont quand même fouettés (ce n’était pas une mince affaire), et on leur interdit de nouveau de prêcher au nom de Jésus, ce qui bien sûr ne les a pas empêchés de récidiver ! Ils sont remplis de joie, ce qui m’étonne toujours quand je le lis, car j’ai du mal à imaginer que ce serait ma réaction si j’étais fouetté de la sorte. Mais c’est exactement ce que Jésus avait dit dans les béatitudes, et ceux qui ont rencontré des chrétiens de nos jours qui ont souffert à cause de leur foi peuvent souvent témoigner de cette même joie dans l’épreuve, qui dépasse sans doute notre propre joie, nous qui n’avons pas été appelés à souffrir pour le Christ.

Et bien sûr, comme le verset qui suit le dit (Actes 6.1), l’opposition n’a pas empêché l’Église de continuer de grandir. Nous lisons même plus tard (6.7), qu’une « grande foule de prêtres obéissaient à la foi », sans doute à cause de ces deux occasions où les apôtres ont dû témoigner devant eux. Oui, le Seigneur œuvre dans les cœurs des personnes qui semblent le plus éloignées de l’évangile, et auprès de ceux qui peuvent nous sembler les plus blindés contre l’évangile. Ne perdons pas courage malgré toutes les forces qui sont rangées contre l’Église du Christ, et soyons, nous aussi, des témoins dans les circonstances favorables ou non. Et le Seigneur continuera d’ajouter des personnes à son Église.